Je ferme les yeux et laisse le mot venir, le mot qui bouge sous ma plante de pied, le mot que je froisse à chaque pas mais qui se redresse toujours, graminée têtue, chiendent de consolation. Le mot grimpe jusqu’à ma main qui ne le voit pas mais le saisit, sans rien demander, sans connaître son sens et son sort, ce qui l’attend dans le blanc de la page – un faux blanc, toujours maculé de vestiges, de couches de signes décomposés, de mains coupées dans la marge, paumes pleines de syllabes rouges encore vivantes. Le mot exige, parle haut. Le maître-mot veut ma gorge pour battre, ma bouche pour mordre, il cherche le réel, éperdument, mais ne sait où le rejoindre. Baudruche. Il s’enfle, hisse sa sève obscure, cherche la brèche ou le geste pour fendre le silence, l’éventrer, en deux comme fruit trop mûr, noyau à l’air, abricot doré, essence et substance mêlées, chair du monde.
Lignées. Aencrages, 2012
Cierro los ojos y dejo que venga la palabra, la palabra que se mueve bajo la planta de mi pie, la palabra que rozo a cada paso pero que se endereza siempre, gramínea testaruda, grama de consolación. La palabra salta hasta mi mano que no la ve pero la agarra, sin preguntar nada, sin conocer su sentido, su sino, que le espera en el folio en blanco- un falso blanco, siempre maculado de vestigios, de capas de signos descompuestos, de casas cortadas en el margen, palmas llenas de sílabas rojas vivas aún. La palabra exige, habla alto. La maestra-palabra quiere mi garganta para pelear, mi boca para morder, busca lo real, desesperadamente, pero no sabe donde alcanzarla. Tripa. Se infla, iza su savia oscura, busca la brecha o el gesto para hendir al silencio, destriparla, en dos como fruta muy madura, hueso al aire, melocotón dorado, esencia y sustancia mezcladas, carne del mundo.
Lignées. Anclajes2014
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