A Georges Ribemont-Desseignes
I
En argot les hommes appellent les oreilles des
feuilles
c´est dire comme ils sentent que les arbres connaissent
la musique
mais la langue verte des arbres est un argot bien plus
ancien
Qui peut savoir ce qu´ils disent lorsqu´ils parlent des
humains
Les arbres parlent arbre
comme les enfants parlent enfant
Quand un enfant de femme et d´homme
adresse la parole à un arbre
l´arbre répond
Plus tard l´enfant
parle arboriculture
avec ses maîtres et ses parents
Il n´entend plus la voix des arbres
Il n´entend plus leur chanson dans le vent
Pourtant parfois une petite fille
pousse un cri de détresse
dans un square de ciment armé
d´herbe morne et de terre souillée
Est-ce…oh…est
la tristesse d´être abandonnée
qui me fait crier au secours
ou la crainte que vous m´oubliiez
arbres de ma jeunesse
ma jeneuse pour de vrai
Dans l´oasis du souvenir
une source vient de jaillir
est-ce pour me faire pleurer
J´étais si heureuse dans la foule
La foule vert de la forêt
Avec la peur de me perdre
Et la crainte de me retrouver
N´oubliez pas votre petite amie
arbres de ma forêt.
IV
Dans un bois
un homme s´égare
Un homme de nos jours et des siens en même temps
Et cet homme égaré sourit
il sait la ville tout près
et qu´on ne se perd pas comme ça
il tourne sur lui-même
Mais le temps passe
oui le temps disparaît et bientôt le sourire aussi
Il tourne sur lui-même
qui tourne autour de lui
L´espace est une impasse
où son temps s´abolit
Il a un peu terreur
il a un peu ennui
C´est idiot de dit-il
mais il a de plus en plus terreur
ennui souci
Est-ce Meudon la Forêt-Noire Bondy
les gorges de Ribemont
d´Apremont
Il sait pourtant
que c´est le bois de Clamart
mais il y a quelque chose dans sa mémoire
dans son imaginatoire
quelque chose qui hurle à la mort
en lui tenant les côtes
Mais il a beau essayer de sourire encore
Le fou rire de l´enfance
est enfermé dans le cabinet noir
Il a terreur et panique de logique
et dans ce bois comme navire sur la mer
il a roulis d´angoisse désarroi de navire
Oh je ne suis pas superstitieux
mais je voudrais toucher du bois
pour ne pas le devenir
Toucher du bois
tout est là
Et dans son désarroi
il se fouille comme un flic fouille et palpe un autre
être
Pas de cure-dents pas d´allumettes
nulle amulette
Il est de plus en plus perdu
aux abois comme biche ou cerf
et il oublie de plus en plus
que les arbres sont des arbres
et que les arbres sont en bois
Toucher du bois
toucher du bois
Soudain derrière lui tout entier
le bois
dans un véritable fou rire
intact ensoleillé
disparaît
Sur une route
passe un laveur de carreaux
en vélo
une échelle sur l´épaule
beau comme un clow de Médrano
Une échelle
une échelle en bois
en bois à toucher
L´homme
comme un naufragé hurle terre
comme un assoifé hurle eau
comme un condamné hurle grâce
l´homme hèle le cycliste
l´homme hurle bois
Le cycliste passe
Un corbillard rapide et vite
avec un chauffeur hilare
renverse l´homme sans s´en apercevoir.
Histoires, 1963
Árboles
I
En argot los hombres hablan de las orejas
de las hojas
equivale a decir cómo sienten que los árboles
conocen la música
pero la lengua verde de los árboles es un argot
mucho más antiguo
Quién puede saber qué dicen cuando
hablan de los humanos
Los árboles hablan en árbol
como los niños hablan en niño
Cuando un niño de mujer y de hombre
dirige la palabra a un árbol
el árbol responde
el niño la oye
Más tarde el niño
habla en arboricultura
con sus maestros y sus padres
Ya no oye la voz de los árboles
ya no oye sus canciones en el viento
Sin embargo a veces una chiquilla
lanza un grito de angustia
en una plaza de cemento armado
de hierba mustia y de tierra mancillada
Es…¿qué será?
la tristeza de ser abandonada
me hace gritar socorro
o el temor de que me olvidéis
árboles de mi juventud
mi juventud de veras
En el oasis del recuerdo
un manantial acaba de brotar
¿será para hacerme llorar?
Estaba tan feliz en la multitud
la multitud verde de la selva
con el miedo a perderme
y el temor de reencontrarme
No olvidéis a vuestra amiga
árboles de la selva mía.
IV
En un bosque
un hombre se extravía
Un hombre de nuestros días y de los suyos a la vez
Y este hombre extraviado sonríe
sabe de sobra que la ciudad está ahí
y que uno no se pierde así como así
gira sobre sus pasos
Pero el tiempo pasa
sí el tiempo desaparece y enseguida también la sonrisa
Gira sobre sus pasos
que giran a su alrededor
El espacio es un impasse
donde se anula el tiempo
Tiene algo de terror
tiene algo de enojo
Qué idiotez, se dice
pero cada vez tiene más terror
enojo preocupación
Estaré en Meudon la Forêt-Noire Bondy
las gargantas de Ribemont
d´Apremont
Con todo sabe
que es el bosque de Clamart
pero hay algo en su memoria
en su imaginario
algo que aúlla a la muerte
agarrándole por los flancos
Pero por mucho que intente sonreír
la risa floja infantil
está encerrada en el gabinete negro
Tiene terror y pánico lógico
y en este bosque como navío en la mar
tiene balanceo angustia desarreglo de navío
Oh¡ No soy supersticioso
pero me gustaría tocar madera
para no serlo
Tocar madera
todo está ahí
Y en su desarreglo
se cachea como un madero cachea y palpa
a otro ser
Ni palillos ni cerillas
ningún amuleto
Está cada vez más perdido
acorralado como ciervo o cierva
y se olvida más y más
que los árboles son árboles
y que los árboles son de madera
Tocar madera
tocar madera
De súbito detrás de él entera
la madera (*)
con un verdadero ataque de risa
intacto soleado
desaparece
Por una carretera
pasa un limpiador de cristales
en bici
con una escalera en los hombros
guapo como un clown de Médrano
Una escalera
una escalera de madera
de tocar madera
El hombre
como un náufrago chilla tierra
como un sediento chilla agua
como un condenado grita gracia
el hombre aúlla al ciclista
el hombre chilla madera
el ciclista pasa
Un coche fúnebre rápido y vacío
con un conductor hilarante
atropella al hombre sin enterarse.
Historias, 1963
- En frances bois signifiba bosque y madera, matiz intraducible en español.
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