Silhouettes en terre cuite

Agglutinés à la terre, au routinier, que ce soit  pour les tâches domestiques ou les sujets professionnels, ils racontent minutieusement tous les incidents intervenus dans la journée jusqu´à satiété, comme s´il s´agissait de faits insolites, surprenants, comme si leur récit dégageait inévitablement un trait comique ou un indiscutable intérêt.

Ils regardent toujours d´une manière très frontale, c´est là leur seule force, cependant  ce réalisme simpliste unifrontal les empêche de diriger leurs yeux vers un champ pluriel de la réalité physique ou immatérielle.

Pieds de terre cuite, accolés en files symétriques, immobilisés à la même hauteur, leur champ de vision, d´action est conditionné au hiératisme de leur corps, à l´espace entrevu entre les files de ce peloton de soldats disciplinés, exécutants routiniers du quotidien, accrochés à la matérialité des choses, avec leur personnalité si unilaterale, apparemment normale.

Lorsque, avec enthousiasme, ils relatent les horaires, les chiffres ou les prix de façon détaillée, ils mitraillent la narration de tant de données additionnelles et superfues que l´interlocuteur occasionnel ne s´intéresse déjà plus à l´heureux ou malheureux dénouement.

Si à l´occasion ils écoutent, c´est seulement dans le seul but d´introduire à nouveau la même anecdote curieuse, spéciale, qui s´est produite dans leur journée et qui semble aux autres d´une vulgarité, d´un simplisme exagéré.

Êtres vivants en terre cuite, uniformes alignés, votre base est d´une solidité douteuse car il manque une troisième dimension dans votre espace limité, fondamentale pour donner au tableau une impression de réalité, de mouvement, de vie.

 

Traduction: André Philippot et Stella Maris


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